Paléontologie et Evolution : La Société géologique de France, espace de
“liberté”
“Sire, pour devenir florissantes, les sciences ont besoin de liberté”. C’est
par ces mots provocateurs que Constant Prévost (1787-1856), présentait au roi
Louis-Philippe, en août 1830, la Société géologique de France qu’il venait de
créer avec quelques-uns de ses amis, dont Ami Boué (1794-1881) et Jules
Desnoyers (1800-1887) (son beau-frère).
Cette adresse est éloquente, par son contenu, et par la qualité de ses
signataires, les fondateurs de la Société. Ils lancent visiblement un défi à
quelque autorité scientifique, au lendemain des “journées glorieuses” (27-28-29
juillet 1830) de la Révolution qui vient de renverser une autorité politique
ennemie de la liberté civile.
L’autorité scientifique n’est pas nommée, mais, dans le contexte il est facile
de penser qu’il s’agit de l’Académie des Sciences, et en particulier de son
Secrétaire perpétuel, Georges Cuvier. Il est significatif que Cuvier
(1769-1832), qui est membre de la Société géologique de Londres (fondée en
1807), ne fera pas partie de la Société géologique de France. Par contre,
Alexandre Brongniart (1770-1847) et son fils Adolphe (1801-1876), ainsi que Elie
de Beaumont (1798-1874) y entrent. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844)
et son fils Isidore (1805-1861) en font aussi partie, ainsi que Henri de
Blainville (1777-1850), Jules Desnoyers (1800-1887), et Pierre-Louis Cordier
(1777-1861) qui en devient le premier Président.
Dans l’historique qu’il fait des débats de la Société, lors du cinquantenaire de
l’Institution, en 1880, Albert de Lapparent (1839-1908), qui avait connu
quelques-uns des fondateurs, et qui était lui-même un des membres éminents de la
Société, rappelle l’idée fondatrice léguée par Constant Prévost, Ami Boué et
tous ceux qui viennent appuyer leur tentative. “Leurs convictions
personnelles,... le souvenir du joug excessif que certaines traditions d’école
ont laissé peser trop longtemps sur la géologie française, tout les convie à
faire usage de la liberté” (A. de Lapparent, Rapport d’ensemble sur les travaux
de la Société géologique de France depuis sa fondation , tiré à part, 39 p.,
Paris,1880, cit. p.6-7). “Il entrait dans les intentions formelles de nos
fondateurs, rappelle encore de Lapparent, ... de créer une compagnie libre,
dégagée de tout esprit de coterie, indépendante de toute doctrine d’école”
(ibid., p.8).
La Société Géologique connaît un développement rapide : “dès le 1er novembre
1830”, nous apprend encore son historien du cinquantenaire, “la Société comptait
cent quarante membres” (ibid., p.8). Elle jouit rapidement d’un grand prestige à
l’étranger : dès la première année, elle compte en effet trente membres
étrangers. “Mais cette proportion devait s’accroître encore par la suite. En
1833, le nombre de nos confrères étrangers était de soixante-quatre et
représentait vingt-huit
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